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Valoriser les données de la filière laitière : défis et opportunités 

Valoriser les données des filières agricoles… Oui, mais pour quels usages ? Dans quel cadre juridique ? Avec quelles infrastructures ? Et surtout, comme assurer une juste répartition de la valeur créée ? Ce sont certaines des questions abordées par le Cniel lors d’un workshop tenu à l’occasion de la 7ème édition du LFDay, évènement annuel de l’innovation agricole européenne organisé par La Ferme Digitale, aux côtés de Samuel Bulot, éleveur laitier et administrateur de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL), ainsi que de David Joulin et Quentin Garnier, représentants de startups AgriTech. Retour sur leurs échanges. 
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La data, actif clé de la filière laitière 
Depuis 2020, le Cniel s’est intéressé au sujet de la valorisation des données de la filière laitière, aux côtés de l’ensemble de ses acteurs de la filière : éleveurs laitiers, entreprises, coopératives et acteurs de la distribution, mais aussi ses partenaires (conseil en élevage, etc). À l’origine de cette démarche complexe, un constat : l’essor des outils numériques, désormais essentiels au fonctionnement de chaque maillon de la chaîne, a multiplié le nombre de données générées par la filière. « Une ferme moyenne produit à elle seule un million d’informations par jour, sur des aspects aussi variés que la géolocalisation et l’itinéraire du troupeau, son alimentation, sa santé et son bien-être, les paramètres du bâtiment d’élevage, etc. », appuie David Joulin, CEO d’Ekylibre et cofondateur de La Ferme Digitale.

Ces données sont un puissant levier de progrès, pour chaque acteur de la filière individuellement, mais aussi à l’échelle collective. « Par exemple, équiper les vaches de colliers connectés permet de collecter certaines informations liées à leur santé et d’agir plus rapidement en cas de problème, ce qui présente un intérêt en termes de bien-être animal, mais aussi un gain économique non négligeable pour l’éleveur », illustre Fanny Tenenhaus-Aziza, Directrice Data & Statistique du Cniel. Mais les données permettent aussi de garantir la traçabilité des produits, d’informer les consommateurs sur les pratiques d’élevage ou les procédés de fabrication, de fournir des statistiques sur la filière laitière française, ou encore d’alimenter les indicateurs de la démarche France Terre de Lait. 
Favoriser l’accès aux données et leur exploitation 
Bref, les cas d’usage sont multiples et ne laissent pas de doute quant à la valeur des données pour la filière. « Reste à assurer leur qualité, leur accessibilité et leur exploitation… et cela, en toute confiance », résume Fanny Tenenhaus-Aziza. Un propos appuyé par Quentin Garnier, Président d’AIHERD, qui souligne la très grande hétérogénéité des outils utilisés à chaque niveau, et des politiques de partage des données entre acteurs : « Une agriculture efficace passe par un usage efficace des données, ce qui implique déjà de pouvoir accéder facilement à ces données. »

L’accessibilité et l’interopérabilité des bases de données gérées au sein de la filière, à échelle individuelle comme collective, sont en effet l’un des chantiers prioritaires du Cniel en matière de data. Un chantier complexe car il se heurte à la méfiance ou à la mauvaise information de certains propriétaires et opérateurs de données. « Il est essentiel d’établir une stratégie cohérente au niveau interprofessionnel, recueillant l’accord de tous les maillons, pour sécuriser le partage des données. Mais cela nécessite de déployer certains efforts pédagogiques pour mieux faire comprendre l’intérêt commun de ces données et fédérer tous les acteurs autour du projet », explique Samuel Bulot, éleveur laitier et administrateur de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL). 
Fournir un cadre sécurisant au partage des données 
Initiée par deux syndicats agricoles – la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et Jeunes Agriculteurs –, la charte Data-Agri a justement pour vocation de sensibiliser les agriculteurs aux enjeux du numérique et de leur fournir un cadre de confiance favorable à l’innovation et à la création de valeur. « C’est une première base qui instaure un mécanisme de contractualisation entre producteurs et collecteurs de données. Un vrai gain de lisibilité, de transparence, de maîtrise et de sécurité pour les agriculteurs », félicite Fanny Tenenhaus-Aziza.

Outre cette charte d’engagement, les éleveurs attendent beaucoup de l’évolution de la réglementation européenne, pour protéger le consentement et l’usage des données collectées – notamment l’usage secondaire, c’est-à-dire par d’autres acteurs que le collecteur contractualisant, dans le cadre du croisement de bases de données par exemple.

En matière de consentement, Quentin Garnier souligne également la variété des dispositifs qui peuvent être mis en place, « avec pour but commun de rendre les producteurs de données arbitres de leur usage » : consentement à durée déterminée, consentement révocable, outils permettant de verrouiller à tout moment l’accès aux données… Des dispositifs qui doivent s’accompagner d’une véritable politique de transparence sur l’usage final des données : « On accepte de partager ses données lorsqu’on a une vision claire et exhaustive de l’utilisation qui en sera faite », rappelle le Président d’AIHERD. 
Pour un partage équitable de la valeur créée 
Car la question du partage des données soulève bien sûr l’enjeu crucial de la valeur générée – matérielle comme immatérielle –, et du partage de cette valeur entre tous les acteurs – producteurs, collecteurs, hébergeurs et exploitants de données. « La répartition équitable du bénéfice lié aux données est un enjeu collectif pour les acteurs de la filière laitière », martèle Fanny Tenenhaus-Aziza. Pour la Directrice Data & Statistique du Cniel, celle-ci passe notamment par l’encadrement juridique des données, la construction d’infrastructures technologiques capables de les accueillir et de les faire circuler en toute sécurité, le recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée pour la formalisation et le traitement des données, et enfin, l’instauration d’une culture data-driven à tous les maillons de la chaîne. Un chantier vaste, mais définitivement prometteur pour la filière laitière.
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Date de publication : 17/07/2023

Date de modification : 31/07/2024

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