Y. S. – C’est vrai qu’elle est en situation délicate car elle ne réunit pas les conditions de productivité qui lui permettraient de concourir face à d’autres régions du monde plus adaptées à la production de lait, ayant l’eau et la température adéquates pour faire pousser de l’herbe en quantité beaucoup plus importante.
À mon humble avis, il faut donc que les filières laitières de montagne s’accrochent à des produits de qualité et identifiés : on ne peut pas faire de l’AOP Laguiole à Singapour ni en Nouvelle-Zélande ! Il y a une vraie attente, chez nos consommateurs, pour des produits qui valorisent mieux le lait, à condition que les saveurs soient réelles et identifiables. Ceux-ci sont également sensibles à ce que nous apportons à nos territoires. Je suis enfin convaincu qu’un cahier des charges devient un « cahier des ressources » quand il est ambitieux et respecté. C’est, selon moi, sur ces points que les acteurs du lait de montagne doivent se concentrer pour améliorer les valorisations.
Mais attention aux appellations carte postale. La qualité d’un produit ne réside pas d’abord dans le marketing mais dans ses propriétés intrinsèques, les saveurs, les plaisirs qui lui sont associés et qui sont le fruit de ce cahier des charges et d’une transformation ancestrale exigeante. J’ai l’habitude de dire : il faut faire et faire savoir, toujours dans ce sens et jamais dans l’autre.
La seconde condition à la survie de la filière laitière de montagne, c’est la capacité à résister au changement climatique. Les sécheresses en montagne sont toujours plus violentes qu’en bord de mer. Il va donc falloir à l’avenir, trouver des méthodes culturales pour s’adapter tout en gardant la naturalité de l’alimentation des animaux. Dans l’Aubrac, nous avons la chance d’avoir un foin de qualité, qui nécessite de faire peu appel à des compléments pour équilibrer nos rations ; mais cette qualité demande du travail, notamment beaucoup de séchage en grange, de façon à récolter le foin au meilleur stade, chargé en protéines. Comme notre territoire s’étend à la fois sur des zones d’altitude et des parcelles de coteaux, nous essayons aussi, chaque fois que possible, de produire un complément céréalier adapté à notre cahier des charges.
Y. S. – Une coopérative est d’abord une entreprise : si elle n’est pas rentable, elle n’a pas d’avenir. Mais c’est en effet un modèle intéressant dans la mesure où il préserve les intérêts du producteur, qui est lui-même adhérant et porte du capital. Cela permet d’empêcher les délocalisations car les coopératives se trouvent sur les lieux où se produisent les matières premières. Dans ce sens, elles contribuent au maintien des tissus économique, agricole et agroalimentaire. Elles permettent une saine concurrence favorable aux consommateurs.
Sur un territoire hyper délimité comme le nôtre, avec des produits AOP et des cahiers des charges exigeants, c’est un très beau modèle. C’est une communauté de destins.