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Comment les collectivités territoriales font entrer les produits laitiers issus de l’Agriculture biologique dans les habitudes de la restauration collective

Après dix ans de forte croissance et une hausse importante de la production comme de la consommation, le marché français des produits laitiers biologiques connaît depuis deux ans un ralentissement inédit. Afin de limiter déséquilibre entre offre et demande qui mettrait en péril la filière laitière biologique, un travail de sensibilisation apparaît nécessaire, notamment auprès de la restauration collective, qui constitue un levier de croissance essentiel pour le bio. Patricia Maussion est éleveuse laitière en agriculture biologique dans le Maine-et-Loire (49) et conseillère régionale au sein de la commission agricole des Pays de la Loire, en charge de l’agriculture biologique notamment. Elle décrypte les initiatives mises en place par les collectivités territoriales pour accompagner le déploiement des produits laitiers issus de l’agriculture biologique dans les cantines.
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La consommation de produits laitiers issus de l’agriculture biologique en recul
Encadrée par une réglementation européenne depuis 1991, l’agriculture biologique désigne des pratiques d’élevage et de transformation qui excluent l’usage de produits chimiques de synthèse et limitent les intrants. Une conduite de troupeau de vaches laitières en agriculture biologique est le plus souvent basée sur le pâturage, avec une alimentation 100 % bio et sans OGM. L’ensemble du cheptel fait l’objet d’une attention particulière, la médecine préventive faisant beaucoup de place aux thérapies naturelles plutôt qu’aux traitements antibiotiques.
Face à une demande croissante et un plan de filière ambitieux pour développer le bio, de nombreux éleveurs ont entamé leur conversion à l’agriculture biologique durant la dernière décennie et la production laitière biologique française s’est rapidement développée, jusqu’à devenir première en Europe. Un marché florissant néanmoins terni depuis deux ans par un recul de la consommation, d’autant plus inquiétant dans ce contexte d’inflation et de hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. Pour Patricia Maussion, « l’agriculture biologique pâtit d’un manque de connaissances général. Dans ces conditions économiques compliquées, il est plus que jamais nécessaire de sensibiliser les distributeurs et consommateurs aux propriétés et atouts du bio ».
La restauration collective, levier de croissance pour le bio
Avec plus de 80 000 cantines et près de 13 millions de personnes nourries quotidiennement, la restauration collective, notamment en milieu scolaire, constitue un relais de croissance majeur pour les produits issus de l’agriculture biologique en France. Ceux-ci ont d’ailleurs connu une réelle progression dans les cantines grâce à la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous », dite Loi EGAlim qui fixait un objectif de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans les achats alimentaires de la restauration collective publique au 1er janvier 2022. Les objectifs sont néanmoins loin d’être atteints, puisque le bio représente aujourd’hui 6,6 % des achats du secteur, produits laitiers en tête.
Ces achats ont par ailleurs enregistré une diminution de 3 % entre 2019 et 2021, conséquence de la pandémie puis de la guerre en Ukraine, qui ont fortement contraint les budgets des établissements et leurs marges de manœuvre en matière d’achats alimentaires. Face au risque de voir certains fournisseurs de produits biologiques se détourner de la restauration collective, Patricia Maussion tire la sonnette d’alarme : « L’alimentation ne doit pas devenir la variable d’ajustement. De nombreuses solutions sont envisageables pour continuer à intégrer des produits bio dans les assiettes. Pour cela, les collectivités ont un rôle d’accompagnement essentiel : au niveau de la région par exemple, nous mettons en place différentes actions auprès des lycées. »
Bio dans les cantines : des actions de soutien mises en place par les collectivités territoriales
Les communes, départements et régions jouent en effet un rôle crucial dans le développement du bio en restauration collective. L’objectif que se sont par exemple fixé les Pays de la Loire depuis 2016 : un approvisionnement des cantines de lycée 100 % français, 50 % régional et 20 % sous signe de qualité et biologique.

Pour cela, il faut continuer à sensibiliser les établissements de restauration collective aux enjeux du bio et accompagner les équipes dans le changement de leurs pratiques, en matière de produits proposés aux convives, mais également de gaspillages alimentaire et énergétique. Certaines initiatives peuvent par exemple permettre aux acteurs de réduire leurs coûts, et donc d’avoir plus de marge pour acheter de meilleurs produits.

« L’intégration du bio dans les menus n’implique pas forcément un changement radical, mais une organisation de la cuisine, des habitudes et un équipement différents, auxquels il convient de former les cuisiniers et gestionnaires de cantine », explique Patricia Maussion. La région peut ainsi accompagner financièrement les établissements qui souhaitent modifier leur matériel.« S’équiper d’un salad bar ou d’un dessert bar en libre-service permet souvent de libérer du temps pour la préparation des plats – car avec le bio, on n’achète plus du tout fait, il faut cuisiner. Concernant les produits laitiers, on a aussi vu certains producteurs fournir le yaourt en seau de 5kg plutôt que par pots individuels. C’est une solution qui permet de réduire les déchets et de limiter le coût d’achat. »

Des visites de fermes et d’entreprises agroalimentairesbiologiques sont également organisées pour les professionnels de la restauration collective. « Rencontrer les agriculteurs, pouvoir échanger avec eux et voir comment ils travaillent permet de mieux comprendre la réalité et les atouts de cette filière », souligne la conseillère régionale.

Enfin, des solutions technologiques peuvent être mises en place par les collectivités pour faciliter l’approvisionnement en produits biologiques d’un point de vue administratif et logistique. C’est le cas du site approlocal, développé par la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, qui met les cantines en relation avec des producteurs, entreprises agroalimentaires et grossistes locaux pour leur permettre de trouver et commander facilement des produits biologiques sur leur territoire. Autre exemple : le logiciel easilys, dont chaque lycée des Pays de la Loire a été équipé, pour une meilleure gestion des coûts et planification des achats.
La filière laitière fortement mobilisée
Le Cniel s’engage également aux côtés des collectivités pour promouvoir les produits laitiers bio. C’est notamment l’objectif du programme européen « Prenez en main la bio », mis en œuvre avec Interfel, l’interprofession des fruits et légumes frais. À l’occasion de cette campagne de communication, un site dédié ainsi que différents outils, supports de communication et temps d’échanges ont été imaginés pour sensibiliser les professionnels aux spécificités et valeurs de l’agriculture biologique, et accompagner le développement de l’offre et de la consommation du bio en restauration collective.

Essentielle à la transition environnementale et à la souveraineté alimentaire de la France, l’agriculture biologique nécessite, pour poursuivre son développement, que l’offre et la demande croissent ensemble. Patricia Maussion le souligne : « Pour la filière, l’enjeu est également celui de l’attractivité auprès des nouvelles générations. De jeunes éleveurs doivent impérativement prendre la relève pour que la production laitière biologique perdure. » L’important travail de sensibilisation mené auprès des consommateurs et des professionnels de la restauration collective doit donc se poursuivre, avec l’appui des collectivités et des interprofessions.
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La filière laitière bio au salon des maires et des collectivités locales #PrenezenMainLaBio
Pour faire face au ralentissement de la demande en produits laitiers et fruits et légumes frais bio, le Cniel et Interfel s’engagent aux côtés des collectivités pour atteindre les objectifs de la loi Egalim. C’est dans ce but qu’a été lancé le programme européen « Prenez en main la bio », avec notamment un site dédié, différents outils d’information et temps d’échanges visant à accompagner les professionnels. Pour en savoir plus rendez-vous ici : https://www.prenezenmainlabio.eu/

Date de publication: 16/02/2023

Date de modification: 19/02/2023

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