Depuis plusieurs années, l’inflation pèse sur les budgets des ménages. « Le prix d’un caddie a beaucoup augmenté, et cela pousse les consommateurs à acheter moins et moins cher », explique Romain Le Texier, directeur des études au Cniel.
Dans le même temps, les collectivités peinent à intégrer plus de produits bio notamment dans les structures médico-sociales. L’objectif des 20 %1 reste difficile à atteindre, en raison du coût des produits bio et de la complexité des approvisionnements. Pourtant, des outils existent pour accélérer cette transition.
source Kantar – octobre 2024 Premier levier : nouer des partenariats directs collectivités-producteurs
Les partenariats directs entre collectivités et producteurs bio représentent une solution clé. Céline Osenda, responsable commerciale chez ProNatura, décrit l’approche de cette entreprise spécialisée : « Nous ne sommes pas que des grossistes. Nous aidons les producteurs à planifier leurs récoltes et nous garantissons l’achat de 80 % de leur production. Cela sécurise leur travail et permet aux collectivités d’obtenir des prix stables et compétitifs. »
En s’appuyant sur une analyse fine des marchés et des rendements, ProNatura adapte les volumes et les types de productions. Cela garantit un équilibre entre saisonnalité, prix abordables et qualité. « Le bio n’est pas forcément plus cher si l’on achète le bon produit au bon moment ! », insiste Céline Osenda. Ce modèle illustre parfaitement comment le lien direct avec les producteurs peut répondre aux besoins des collectivités tout en soutenant une agriculture durable. Deuxième levier : la mutualisation des achats
Un autre levier consiste à regrouper les commandes entre plusieurs collectivités. En mutualisant les achats, les communes ou départements peuvent massifier les volumes, réduire les coûts logistiques et négocier des tarifs plus attractifs avec les fournisseurs. Ce modèle, largement utilisé dans d’autres secteurs comme la santé, peut s’appliquer à l’alimentation bio.
Troisième levier : L’éducation et la sensibilisation
Pour ancrer durablement la consommation bio dans les habitudes, l’éducation joue un rôle essentiel. « Non, on ne peut pas manger des fraises toute l’année ! », plaisante Céline Osenda, qui insiste sur l’importance de la pédagogie.
Des programmes comme « lait et fruits à l’école », cofinancés par l’Union européenne, aident les élèves à comprendre les bénéfices des produits sous signes de qualité, dont les produits bio. En compensant le coût des produits, ce programme rend aussi le bio accessible aux établissements scolaires, tout en encourageant une alimentation plus responsable dès le plus jeune âge.
Les acteurs des collectivités ont également toute leur place dans cette dynamique en organisant des événements locaux, comme des ateliers de dégustations, des animations dans les cantines ou des visites de fermes.
Quatrième levier : relocaliser l’agriculture bio en périphérie urbaine
Certains élus souhaitent intégrer davantage de bio tout en favorisant des circuits courts. C’est précisément l’objectif de La Ceinture verte, un modèle coopératif lancé en 2020. « Nous travaillons à recréer des petites exploitations maraîchères autour des agglomérations, un modèle qui a presque disparu dans les années 60-70 », explique Ivan Collombet, directeur général. Ce projet a déjà permis la création de dix coopératives, qui produisent des volumes significatifs, adaptés aux besoins de la restauration collective.
Cependant, relocaliser l’agriculture bio présente des défis importants. « La concurrence pour le foncier en périphérie des villes est féroce entre projets immobiliers, zones commerciales et activités industrielles », souligne Ivan Collombet. Les élus jouent un rôle crucial dans cette mobilisation, en identifiant et en sanctuarisant des terrains adaptés à l’agriculture maraîchère. Autre défi majeur : la viabilité économique des exploitations. La Ceinture verte accompagne donc également les exploitations dans l’aménagement des infrastructures (bâtiments, stockage, irrigation) et dans la gestion de leur activité, afin de sécuriser les revenus des maraîchers.
Pour gagner en efficacité, les filières courtes doivent également être mieux organisées. Or, « les infrastructures logistiques et de transformation sont adaptées aux filières longues, mais elles manquent cruellement à une échelle locale, où les volumes sont plus faibles », constate Ivan Collombet. Pour pallier ce problème, La Ceinture verte mise sur la mutualisation. « En regroupant les petits producteurs autour d’infrastructures partagées, nous pouvons réduire les coûts logistiques et transformer les produits localement », explique Ivan Collombet. Ce modèle permet d’aller au-delà des circuits courts classiques, souvent limités à la vente de légumes bruts. Il offre une gamme de produits diversifiés et transformés, répondant ainsi aux attentes spécifiques des cantines et des collectivités.
Dans un contexte où les citoyens aspirent à des choix alimentaires plus responsables, il est essentiel de consolider les filières bio tout en sensibilisant les populations aux bénéfices de cette transition. En soutenant cette dynamique, les collectivités locales ne se contentent pas de répondre à des objectifs législatifs : elles incarnent une ambition politique et citoyenne. Les interprofessions comme le Cniel et Interfel s’engagent à leurs côtés pour bâtir des solutions concrètes, résilientes et adaptées à chaque territoire.
Cet article s’appuie sur une conférence organisée le 19 novembre 2024, à l’occasion du Salon des maires et des collectivités locales, dans le cadre de la campagne cofinancée par l’Union Européenne « Prenez en main la bio » du Cniel et d’Interfel.