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Christophe Haas : « Nous n’avons jamais cessé d’évoluer pour proposer un Service de Remplacement qui nous permette d’être au plus près des agriculteurs »

50 ans après sa création, le Service de Remplacement n’a de cesse de chercher à faciliter le quotidien des agriculteurs et de leur garantir un meilleur équilibre de vie. Un outil très utile pour les éleveurs laitiers, contraints de garantir une continuité sans faille de leur activité et confrontés à un défi d’attractivité majeur dans les années à venir. Rencontre avec Christophe Haas, vice-président de Jeunes Agriculteurs et tout nouveau président du réseau national des Services de Remplacement.
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Qu’est-ce qui a motivé la création en 1972 d’un service de remplacement en agriculture ?
Christophe Haas – C’était une demande du syndicat Jeunes Agriculteurs pour répondre à la recherche d’une meilleure qualité de vie et au besoin de sécurité des agriculteurs français, en leur permettant de se faire remplacer en cas de maladie, d’accident, de décès ou de maternité. D’où l’idée de Services de Remplacement (SR), conçus comme un système de pérennisation des exploitations, en missionnant sur celles-ci des salariés dédiés.
Le besoin était d’autant plus criant qu’à l’époque, il y avait davantage d’élevages en France qu’aujourd’hui et que les exploitations étaient beaucoup moins mécanisées. Quand on élève des animaux, que ce soit pour la viande ou le lait, il n’y a pas de samedi, pas de dimanche, on ne peut pas reporter les soins ou la traite au lendemain… C’est d’ailleurs pourquoi, aujourd’hui, 70 % des remplacements concernent l’élevage porcs, allaitants, ovins ou bovins.
Un tel service existe-t-il dans d’autres pays ou est-ce une innovation française ?
Ch. H. – Vous ne trouverez ce service dans aucun autre pays européen, en tous cas pas sous cette forme. Déjà, sa structuration géographique et organisationnelle, entre services départementaux et services locaux (à l’échelle d’un canton ou d’un secteur quand le volume d’activité est important), épouse les besoins de chaque territoire.
Il faut savoir aussi que c’est une association et non une entreprise, dotée d’une mission reconnue d’utilité sociale. Elle repose sur la confiance et la solidarité de ses adhérents, et d’ailleurs ses administrateurs sont bénévoles !
Le SR est ouvert à tous les agriculteurs dans toutes les régions, sans exception. Et aujourd’hui ceux-ci sont de plus en plus enclins à se faire remplacer au-delà des « coups durs » : pour la formation ou les congés d’été – si importants pour attirer les nouvelles générations –, les mentalités et pratiques ont clairement évolué.
Comment le service fonctionne-t-il concrètement ?
Ch. H. – Si demain un éleveur laitier a un accident, il prend contact avec son SR le plus proche ; il explique ce qui lui arrive et présente l’arrêt maladie donné par son médecin. Puis les services administratifs du service de remplacement montent un dossier, le transmet rapidement  aux assureurs partenaires, qui vont ensuite le valider et établir un certain nombre de jours de remplacement en fonction de la situation (au coût moyen de 150 € la journée).
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Comment le Service de Remplacement recrute, forme et fidélise-t-il ses salariés ?
Ch. H. – Au niveau national, le SR représente 15 000 salariés dont 2 300 sont en CDI, les autres étant en CDD à la mission. Très souvent, en effet, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui proposent une personne de confiance pour les remplacer : charge au SR de les salarier le temps du remplacement.

En complément, les SR ont des agents de remplacement salariés en CDI, qui font parfois toute leur carrière au sein de notre réseau, et qu’ils peuvent missionner rapidement. Avant d’être envoyés en mission, ces agents sont formés soit en travaillant en binôme avec des collègues plus aguerris, soit en étant envoyés dans des fermes jusqu’à ce qu’ils aient l’expérience, le recul et l’aisance nécessaires pour pouvoir intervenir au pied levé sur une exploitation qu’ils ne connaissent pas. C’est tout l’intérêt de services locaux : c’est au plus près du terrain, des spécificités de chaque territoire, que sont formés les agriculteurs remplaçants.

La priorité aujourd’hui c’est d’attirer les jeunes générations et de les fidéliser. Pour cela, nous proposons aussi des contrats sur-mesure. Par exemple, avec un jeune exploitant qui souhaite avoir un complément de revenu lors des périodes plus calmes, où sa ferme ne nécessite pas des travaux de pointe, nous pouvons signer un contrat proportionné au volume horaire qu’il souhaite effectuer dans l’année. À un jeune qui sort d’école et ne souhaite pas s’installer tout de suite mais multiplier les expériences, nous offrons l’opportunité de se former au sein du SR et de bénéficier d’un tremplin efficace à l’installation.

Grâce à ce système de recrutement flexible, il est rare que nous ne trouvions personne pour remplacer un agriculteur. Et aujourd’hui, les principaux salariés du SR sont des jeunes de moins de trente ans, souhaitant pour la moitié s’installer à terme.
Et le service de remplacement de demain, comment le voyez-vous ?
Ch. H. – Nous n’avons, je crois, jamais cessé d’évoluer depuis 50 ans, pour proposer un service au plus près des besoins de nos adhérents et de leur mode de vie. Par exemple, nous avons été moteurs sur le sujet du congé paternité, qui représente désormais 5 % des remplacements (20 % pour les congés maternité). Nous proposons aussi aujourd’hui le service aux agriculteurs qui exercent des mandats professionnels (engagements syndicaux, administrateurs de coopérative, etc.).

Face aux difficultés actuelles pour renouveler les générations d’agriculteurs, les SR peuvent être un facteur d’attrait des métiers, c’est pourquoi nous souhaitons lui donner plus de visibilité : beaucoup d’agriculteurs, et notamment de nouveaux installés, ne nous connaissent pas encore ou trop peu, en particulier dans les régions où l’activité agricole est moins importante. C’est ma priorité en tant que président pour les deux années à venir.
Concrètement, quelles sont vos actions prioritaires ?
Ch. H. – Nous allons d’abord renforcer notre présence en milieu scolaire. Nous l’expérimentons déjà dans  mon département, le Bas-Rhin, et ça marche ! Nous organisons des demi-journées de présentation du SR et des possibilités qu’il offre dans les lycées agricoles et les centres de formation d’apprentis (CFA), ou encore lors des stages d’installation proposés par la Chambre d’agriculture.

Par ailleurs, le 10 septembre, nous avons organisé la première édition du concours national des agents de remplacement sur le site des Terres de Jim. Huit équipes régionales ont concouru autour d’épreuves représentatives des tâches de leur quotidien dans les fermes, ce qui permet de faire connaître le métier d’agriculteurs-remplaçants, de fédérer notre réseau et de susciter des vocations pour recruter dans nos services de remplacement.

Christophe Haas,

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Le vice-président des Jeunes agriculteurs (JA) Christophe Haas a été élu, le 21 juin, à la présidence du réseau national des Services de remplacement (SR) pour un mandat de deux ans, après un vote du conseil d’administration de l’organisation reconnue d’utilité sociale. Âgé de 36 ans, il est installé depuis 2015 dans le Bas-Rhin. Il cultive 115 hectares de céréales et de betteraves, et possède un cheptel de futures poules pondeuses. Depuis décembre 2021, il occupait la présidence du service de remplacement dans la région Grand-est.

Date de publication: 06/10/2022

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