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La valorisation de la donnée au service des acteurs de la filière et du consommateur : « un enjeu stratégique pour l’avenir de la filière laitière »

Gérer son exploitation en partie depuis son canapé, mieux informer le consommateur en lui partageant des informations sur la vie des vaches laitières jusqu’à la mise en bouteille du lait… une plus grande exploitation des données disponibles pourrait demain offrir de grandes avancées pour les acteurs de la filière laitière et le consommateur. Christophe Miault, éleveur laitier en Loire-Atlantique et administrateur de la coopérative Terrena, est président du groupe « Data » fondé par le CNIEL. Son objectif : construire une vision prospective et collective sur la gestion des bases de données et leur valorisation. Retours sur les enjeux de la donnée au sein de la filière laitière.
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Pourquoi la gestion de la donnée est-elle devenue un enjeu clé pour la filière laitière, notamment à la production ?
Christophe Miault : La donnée est déjà utilisée actuellement par de nombreux éleveurs pour gérer leurs troupeaux. Elle change le métier d’éleveur. Cela se traduit par exemple par la possibilité d’anticiper les vêlages ou de mieux analyser la qualité du lait produit et d’adapter ainsi le régime alimentaire des vaches. Dans ce contexte, la donnée peut  être une aide précieuse à la décision notamment lors de choix stratégiques. Elle permet par exemple de définir quel sera le meilleur investissement lors de l’achat d’équipements onéreux et ainsi d’avoir une vision à long terme et d’anticiper.
De quels types de données parlons-nous ? Pourriez-vous nous donner des exemples ?
Christophe Miault : Prenons un exemple, au sein de la coopérative, nous analysons le lait produit grâce à de l’infrarouge afin de confirmer si les rations alimentaires de nos vaches sont adaptées. Ces analyses permettent également d’avoir une vision prévisionnelle des performances sanitaires et des défenses immunitaires du cheptel. Nous pouvons ainsi mieux anticiper les défaillances et réduire l’usage d’antibiotiques.

Autre exemple au niveau de la production : des études sont faites sur les troupeaux pour déterminer à l’avance si le patrimoine génétique de l’animal permettra de limiter les maladies et d’assurer une bonne qualité du lait.

Au niveau de la transformation, les laiteries sont en mesure d’identifier si les produits sont conformes ou non aux normes déterminées. Un autre aspect peu connu est la réduction du gaspillage alimentaire pour l’ensemble des acteurs de la filière. La data permet ainsi de mettre en évidence des dysfonctionnements sur la chaîne de production qui pourrait mal conditionner un produit. C’est un fait, capitaliser sur la donnée améliore la performance collective de la filière.
Quel est l’objectif porté par le groupe dédié à la valorisation des données fondé par le Cniel* ?
Christophe Miault : A l’échelle de la filière, la donnée est encore « silotée ». Or la donnée aura davantage de valeur si elle est compilée et partagée. Nous sommes convaincus que c’est à nous, en tant qu’acteurs de la filière de prendre en main cette question. L’enjeu est aujourd’hui de rendre la donnée accessible et exploitable par tous mais il y a encore beaucoup de travail à effectuer avant d’y parvenir.

Nous en sommes pour l’instant à l’état des lieux. Nous identifions l’ensemble des bases de données gérées par la profession et suivons leur actualisation selon les nouvelles réglementations en matière de stockage et de partage de la donnée.

En parallèle, nous travaillons également avec les acteurs des quatre collèges du Cniel – producteurs de lait, coopératives, industriels privés et le commerce, la grande-distribution et la restauration collective – sur la standardisation de la donnée. Cela consiste à définir un langage commun pour construire les bases de données afin de les rendre compréhensibles par tous. Ce travail s’inscrit dans le cadre de Numagri. Le premier travail engagé concerne les données d’alimentation animale du troupeau bovin laitier. La standardisation nous permettra de construire une vision de la filière de la fourche à la fourchette. C’est un enjeu clé pour la réussite du projet afin de déterminer ensemble les points de valeur. Le Cniel souhaite agir comme un facilitateur dans ce processus entre les différents maillons de la filière  : les exploitants, les laiteries et les commerçants.

* Le groupe Data « Valorisation des données de la filière laitière » a été fondé en 2020 à l’initiative des 4 collèges du CNIEL.

Christophe Miault,

Eleveur laitier en Loire-Atlantique et président du groupe « Data » fondé par le CNIEL



« La donnée est un outil pour travailler ensemble de façon structurée et efficace. Elle nous permettra d’être encore plus réactifs demain sur des enjeux de société : la qualité du lait et des produits laitiers, la transparence des conditions de production, la performance des éleveurs et transformateurs, la connaissance des comportements des consommateurs. »

Quels sont les bénéfices pour l’acheteur et le consommateur ?
Christophe Miault : Cette transparence permettrait d’apporter une réassurance pour les acheteurs. Le partage de la donnée leur donne une confiance supplémentaire sur la qualité des produits vendus. Les consommateurs finaux seront de leur côté mieux informés sur l’ensemble des étapes qui ont contribué à la fabrication du produit qu’ils achètent. Par exemple ils seraient en mesure de disposer des informations suivantes : si le lait a été produit par des  vaches  au pâturage, comment et où a eu lieu le conditionnement, etc.
Quels freins voyez-vous concernant le partage de la donnée ?
Christophe Miault : Le partage de la donnée nécessite un cadre afin de respecter notamment les contraintes juridiques. Beaucoup d’acteurs n’ayant pas une connaissance précise de ces conditions préfèrent ne pas la mettre à disposition afin d’éviter toute infraction, ce qui est tout à fait compréhensible. Une interrogation des acteurs persiste également sur le partage des bénéfices découlant de l’exploitation des données. Il est aussi essentiel de faire appel à des data scientists capables de centraliser et d’organiser la donnée et ainsi optimiser son potentiel. Notre objectif au sein du groupe de travail du Cniel est justement de réaliser ce travail de structuration pour faciliter le partage et démystifier l’usage de la donnée.
Pourquoi le Cniel souhaite-t-il endosser ce rôle de facilitateur de partage de la donnée ? Quels sont les enjeux ?
Christophe Miault : Pour la filière laitière, il s’agit de gagner en compétitivité et en agilité d’un bout à l’autre de la chaîne. La donnée est un outil pour travailler ensemble de façon structurée et efficace. Elle nous permettra d’être encore plus réactifs demain sur des enjeux de société : la qualité du lait et des produits laitiers, la transparence des conditions de production, la performance des éleveurs et transformateurs, la connaissance des comportements des consommateurs. Plus généralement, la filière laitière souhaite être pionnière sur ce sujet qui devrait être central pour toutes les filières.
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Interview de Christophe Miault, éleveur laitier en Loire Atlantique et président du groupe data fondé par le Cniel pour la valorisation de la donnée.

Date de publication: 23/03/2022

Date de modification: 14/04/2022

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