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50 ans du Cniel : Une filière laitière en pleine transformation

Le Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière (Cniel) célèbre ses 50 ans d’existence, marquant un demi-siècle d’évolution et d’adaptation pour la filière laitière française. Face aux défis sanitaires, économiques et environnementaux, l’organisation continue de jouer un rôle crucial dans la transformation et la pérennité du secteur.
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De la loi Godefroy à aujourd’hui : une mission en constante évolution
Créé en 1973, le Cniel s’est imposé comme un acteur clé de la filière laitière française. Depuis la loi Godefroy de 1969, qui imposait le paiement du lait en fonction de sa composition et de sa qualité, l’interprofession a constamment évolué pour répondre aux nouveaux défis du secteur.

« L’une des missions historiques du Cniel, rappelle Jean-Vincent Gauzentes, directeur général du réseau de laboratoires Agrolab’s, c’est de garantir la qualité du lait à travers des critères précis, pour faire simple, la matière grasse, la matière protéique et l’acidité du lait. » Pour accomplir cette mission, le Cniel a notamment structuré un réseau de laboratoires interprofessionnels, chargés d’analyser le lait fourni par les éleveurs aux ateliers de transformation. Ce réseau compte aujourd’hui 11 laboratoires répartis sur toute la France, assurant une couverture complète du territoire. Ils sont essentiels pour maintenir des standards de qualité élevés et un traitement équitable de tous les acteurs.

En effectuant des prélèvements automatiques, avec une fréquence de plus en plus élevée avec le temps, les laboratoires jouent également un rôle crucial dans la gestion des crises sanitaires, souligne Jean-Vincent Gauzentes : « Les laboratoires interprofessionnels ont un rôle clé pour suivre le profil des troupeaux, permettant l’éradication de certaines maladies comme la Brucellose et la Leucose. Si on n’avait pas eu ce maillage du territoire et cette remontée d’échantillons avec des analyses régulières, je ne suis pas sûr qu’à l’époque, on aurait été assez vite. »
Guillaume Blanchon
Innovation et sécurité sanitaire
La sécurité sanitaire du lait reste une priorité et s’ancre dans les pratiques d’aujourd’hui, à l’image d’Infolabo : « Infolabo centralise toutes les données qui remontent des laboratoires, accessible sur mobile et quasiment en temps réel, détaille le directeur d’Agrolab’s. Grâce à cet outil, le Cniel et tous les acteurs de la filière laitière peuvent réagir rapidement aux signaux faibles indiquant une possible dégradation de la qualité du lait. »

L’innovation se décline aussi du côté de la recherche, en particulier à travers certains partenariats. « La collaboration entre le Cniel et l’Anses est essentielle pour répondre aux enjeux sanitaires, actuels et à venir, insiste Dr Valérie Gaudin de l’Anses1. Par exemple, concrètement, notre coopération a permis de développer des méthodes avancées pour la détection des contaminants. Nous travaillons aussi depuis de nombreuses années sur les antibiotiques et les biocides désinfectants ». Ces efforts conjoints ont conduit à des avancées significatives dans la détection et la gestion des risques sanitaires.

Le Cniel continue donc d’innover pour répondre aux défis sanitaires, en s’appuyant sur des partenariats solides et des technologies de pointe. Cette approche proactive est essentielle pour maintenir la confiance des consommateurs et assurer une production laitière de haute qualité.
L’interprofession face aux défis socio-économiques
En cinq décennies, le Cniel a aussi su répondre présent face à des contextes économiques mouvants. En particulier, l’interprofession a joué un rôle crucial lors de la fin des quotas laitiers en 2015, un changement majeur dans la politique agricole européenne, qui a nécessité une réorganisation complète de la filière laitière française.

Pour faire face à cette transition, le Cniel a mis en place plusieurs actions importantes. Tout d’abord, l’organisation a encouragé et facilité la mise en place de contrats entre producteurs et transformateurs. Comme l’explique Brigitte Misonne, cheffe d’unité Produits Animaux à la direction générale de l’Agriculture et du développement rural de la Commission européenne : « La structuration des producteurs de lait a été une réponse essentielle pour gérer l’après-quotas. » Le Cniel a également travaillé dans le cadre du « paquet lait » européen, qui apportait des innovations pour structurer le secteur, et face à l’interdiction de fixer directement les prix, le Cniel a développé des indicateurs de prix, travaillant avec la Commission européenne pour s’assurer de leur conformité avec le droit de la concurrence. Un aspect crucial de l’action du Cniel a enfin été la coordination au niveau national, évitant ainsi l’abandon de territoires laitiers.

  • La crise du Covid 19

Le Cniel a permis à la filière laitière française de naviguer efficacement à travers les défis posés par la pandémie, en assurant la stabilité économique et la continuité de l’approvisionnement en produits laitiers. Entre autres, en avril 2020, au début de la pandémie, le Cniel a utilisé l’article 222 de l’Organisation Commune des Marchés (OCM) pour planifier la production laitière. Cette mesure permettait à l’interprofession de coordonner la production afin d’éviter les surplus et de stabiliser le marché. Les producteurs qui acceptaient de ne pas augmenter leur production recevaient un bonus, ce qui a aidé à maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande pendant cette période d’incertitude.

Le Cniel a aussi coordonné tous les acteurs de la filière pour assurer la continuité de l’approvisionnement malgré les restrictions et travaillé pour maintenir les opérations des usines de transformation du lait malgré les contraintes sanitaires. En parallèle, l’interprofession maintenait une forte présence dans l’espace public et auprès des institutions européennes pour discuter des indicateurs de prix et des mesures de soutien, renforçant ainsi la confiance dans la capacité de la filière à surmonter la crise.

Cette adaptation économique et réglementaire s’inscrit dans un contexte plus large de transformation profonde du tissu social et démographique de la filière laitière. « On a perdu 200 000 éleveurs en 40 ans, analyse le sociologue François Purseigle. Il faudrait donc repenser les modèles d’exploitation, imaginer de nouvelles formes de mutualisation et de contractualisation… »
Guillaume Blanchon
Vers une agriculture laitière durable 
Le Cniel s’engage depuis plusieurs années dans la transition vers une agriculture durable. Brigitte Misonne souligne : « Les interprofessions peuvent maintenant mettre sur pied des actions collectives qui permettent de faire avancer la filière en termes de durabilité environnementale, climatique en particulier. »

François Purseigle insiste, lui, sur la modernisation des exploitations : « Il est essentiel de réarmer les exploitations agricoles en termes de ressources et de structures pour répondre aux défis actuels. » Et ajoute une perspective importante sur le rôle futur des interprofessions : « Je pense que les interprofessions aujourd’hui, en 2024, sont attendues dans leur capacité à accompagner ces structures d’exploitation. Il y a une responsabilité collective à penser le changement structurel dans cette filière. » Une vision qui souligne l’importance d’une approche collaborative et globale pour faire face aux défis futurs de la filière laitière.

En 50 ans, le Cniel a su s’adapter aux transformations profondes de la filière laitière française. Aujourd’hui, l’organisation fait face à de nouveaux défis : assurer la durabilité environnementale, soutenir l’innovation technologique, et maintenir la compétitivité du secteur dans un contexte européen et mondial en constante évolution.

Mais le Cniel a démontré sa capacité à innover et à s’adapter, notamment lors de crises majeures. Sa présence forte dans l’espace public et son rôle dans la structuration économique de la filière en font un acteur incontournable pour l’avenir du secteur laitier français. Fort de son expérience et de ses partenariats, le Cniel continue de guider la filière laitière française vers un avenir durable et prospère, tout en garantissant la qualité et la sécurité du lait français.
Cet article se base sur une table ronde organisée à l’occasion de l’Assemblée générale du Cniel qui s’est tenue à la Maison du Lait, le 26 juin 2024. Ont participé à cette table ronde : 
  • Jean-Vincent Gauzentes, directeur général du réseau de laboratoires Agro-Labs, 
  • Dr Valérie Gaudin, ingénieur de recherche à l’Anses, 
  • Brigitte Misonne, cheffe d’unité Produits Animaux à la Commission européenne,
  • François Purseigle, professeur en sociologie à l’Institut National Polytechnique de Toulouse et à Sciences Po Paris. 
Leurs témoignages et analyses ont permis d’éclairer l’histoire, les missions et les défis futurs du Cniel à l’occasion de son 50ème anniversaire.

Date de publication: 21/07/2024

Date de modification: 21/07/2024

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