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Du lait au textile : une histoire de fibres ! 

Chaque année, 7 000 tonnes de litres de lait sont écartées des circuits de consommation. En collaboration avec le Cniel et le créateur Mossi Traoré, le CETI, centre européen de textile innovant, a trouvé le moyen de transformer ce lait en fibre textile. Cap sur ce procédé prometteur 100 % made in France.
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De nouvelles fibres issues de la biomasse 

66 % des fibres produites dans le monde proviennent d’industries fossiles, comme le pétrole, et subissent aujourd’hui une forte inflation du fait de la raréfaction des ressources. Les fibres végétales, comme le coton, sont également répandues mais soulèvent d’autres enjeux sociétaux et environnementaux, liés par exemple aux conditions de travail des récoltants, à l’emploi de pesticides ou encore à l’amenuisement des terres arables sur la planète. Face à ces constats, Pascal Denizart, Directeur Général du CETI, observe : « Nous sommes aujourd’hui confrontés à la nécessité de diversifier nos matières premières pour la production de fibres. Au-delà des fibres naturelles et des fibres synthétiques, il existe un procédé, encore sous-utilisé, qui permet de fabriquer des fibres de manière artificielle, mais en se basant sur la biomasse, une matière organique d’origine animale ou végétale. » 

Ce procédé, appelé « filage solvant par voie humide », sert notamment pour le recyclage des déchets textiles. Son emploi, dans la transformation de matières premières naturelles aujourd’hui non exploitées ouvre de multiples opportunités notamment pour l’industrie du textile. Reste à identifier les ressources possibles pour la production de fibres textiles via cette méthode. 
La « fibre de lait », un processus de fabrication ancien 
Dans ce contexte, le CETI et le Cniel ont mené des expérimentations sur le lait écarté des circuits de consommation pour aboutir à un processus de fabrication d’une fibre de lait. Mathilde Leroy, Ingénieure R&D au CETI, rappelle que « la caséine, molécule extraite du lait, était employée au début du XXème siècle pour fabriquer des vêtements ou des objets en plastique dur comme des boutons ou des peignes, mais elle a progressivement été abandonnée au profit de matières synthétiques – polyester et polyamide notamment. » 

Alors, comment passe-t-on du lait à la fibre textile ? Mathilde Leroy revient sur les étapes de ce processus ancien et complexe qu’est le filage solvant voie humide : « D’abord, le lait est déshydraté, ce qui permet d’en extraire la caséine. Dissoute dans un solvant éco-responsable, celle-ci est ensuite régénérée sous forme de filaments puis de fibres. Lavées et séchées, ces fibres sont transformées en fil, qui, tissé ou tricoté, permet de fabriquer des étoffes. » 
Une fibre proche de la soie 
À partir d’une preuve de concept, le CETI a pu analyser la rentabilité de cette fibre et la possibilité d’en faire un modèle industriel viable. Résultat : pour une tonne de lait, on obtient 16 kilos de fil, soit 61 mètres d’étoffe permettant de fabriquer 95 t-shirts standards. 43 % des coûts de production concernent la fabrication des filaments, clé de voûte du procédé requérant un temps humain conséquent et des solvants coûteux. 30 % des coûts reviennent à l’éleveur, à raison de 20 centimes par litre de lait. Avec un coût de revient de 24 euros le kilo, la fibre de lait a donc un positionnement premium sur le marché des fibres textiles, entre la laine (4 euros le kilo) et la soie (62 euros le kilo). 

Douce et résistante, la fibre d’un blanc crémeux intéresse d’ailleurs déjà les créateurs et les marques. Le styliste français Mossi Traoré, par exemple, explore les possibilités de cette matière en se basant sur de la fibre de lait italienne. Il y a notamment consacré une collection capsule, disponible cet automne au Printemps du Louvre à Paris ainsi que sur l’e-shop de l’enseigne. 

Pour industrialiser cette innovation, le CETI évalue les besoins en investissements à 30 millions d’euros. « L’idée est d’amortir notre première ligne industrielle et de la mutualiser avec d’autres matières premières transformables par le même procédé, comme le lin oléagineux, note Pascal Denizart. C’est en réunissant les objectifs de régénération de déchets au niveau de l’agriculture et de l’élevage que nous maximiserons notre rentabilité. » Prochaine étape : la logistique, de la collecte et du stockage du lait à l’implémentation de l’usine dans une zone laitière test. 
De multiples opportunités pour la filière laitière 
Avec la fibre de lait, le Cniel et le CETI s’inscrivent dans une dynamique vertueuse à tous les niveaux. D’une part, elle permet d’assurer aux éleveurs un revenu complémentaire pour leur lait habituellement non valorisable. D’autre part, elle ouvre la perspective d’une nouvelle collaboration industrielle nationale innovante et durable. Pascal Denizart le souligne : « Grâce à notre biomasse nationale, nous avons, avec la caséine, le potentiel de donner naissance à une industrie d’excellence française. » Enfin, Christophe Spotti, directeur marketing et communication du Cniel, ajoute : « Au-delà de son intérêt économique évident, le projet soutient l’un des forts enjeux de la filière laitière française : celui de la valorisation de ses déchets. Le Cniel est engagé dans une dynamique de responsabilité de la filière et ne peut donc que se réjouir de cette démarche innovante, en phase avec les défis d’aujourd’hui et de demain. » 

Ancrée dans l’innovation, le local et la transition écologique, la fabrication et l’utilisation de la fibre de lait sont donc un projet prometteur pour les industries textile et laitière… dont il ne reste plus qu’à tirer le fil ! 
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Du lait au textile : une histoire de fibres !

Date de publication: 24/10/2022