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Biodiversité et territoires : le rôle clé de l’élevage bovin

Alors que la crise écologique met en péril un million d’espèces animales et végétales, il est urgent d’explorer les solutions qui respectent et entretiennent la biodiversité. L’élevage bovin notamment, dont le rôle est souvent méconnu, est un acteur clé dans la préservation de la biodiversité et des paysages sur nos territoires. Explications.
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L’effondrement du vivant
Un million d’espèces animales et végétales, soit une sur huit, sont menacées de disparition : c’est le constat de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), souvent assimilée au « GIEC de la biodiversité ».[1]
Les activités humaines sont les principales responsables : destruction et artificialisation des milieux naturels, surexploitation des ressources naturelles et trafic illégal, changement climatique global, pollutions, introduction d’espèces exotiques envahissantes.[2]

[1] Biodiversité : une espèce sur huit, animale et végétale, risque de disparaître à brève échéance (lemonde.fr, mai 2019)
[2] Les 5 pressions responsables de l’effondrement de la biodiversité (biodiversite.gouv.fr)
Des apports environnementaux variés
Dans ce contexte, les 11,5 millions d’hectares de prairies, entretenues grâce à l’élevage bovin en France, constituent des ressources souvent sous-estimées, comme le souligne Stéphane Joandel, éleveur dans la Loire et secrétaire général de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) : « L’élevage est un conservateur de biodiversité, car sans élevage, pas de pâturages, pas d’herbe, et donc une perte immense pour les écosystèmes. »

En plus de préserver les prairies, l’élevage bovin participe à l’entretien de 80 % des 700 000 kilomètres de haies en France. Un apport significatif dans l’entretien des paysages et, par conséquent, dans la prévention de certains risques, comme les incendies ou les inondations.

« Du point de vue de la biodiversité, et de l’environnement en général, les apports de nos exploitations sont variés, ajoute Guillaume Gauthier, polyculteur-éleveur de vaches charolaises en Saône-et-Loire, Président de la Commission Enjeux Sociétaux d’Interbev. Les bovins enrichissent les sols en matière organique, ce qui augmente la biodiversité dans les sols. Nos fermes contribuent aussi à la filtration et à la qualité de l’eau, et nos pâturages capturent du carbone. Sans oublier que la diversité des races bovines participe à la biodiversité animale, souvent oubliée. »
Valoriser pour préserver et progresser
Pour encourager les éleveurs à valoriser et développer ces apports environnementaux, plusieurs initiatives ont été développés pour les filières bovines, telles que Biotex, CAP’2ER® et Bovi’Biodiv.
  • Biotex : Cet outil, conçu par l’Institut de l’élevage, l’Inrae et le Muséum national d’Histoire naturelle, permet aux éleveurs de mieux comprendre le potentiel de biodiversité de leurs parcelles[1]. « On ne le dit pas assez, mais on peut être très fier de notre biodiversité et de notre système de polyculture en France ! », se réjouit Stéphane Joandel.
  • CAP2ER : Initialement destiné à la démarche bas-carbone, CAP’2ER évalue les émissions de gaz à effet de serre des fermes et leur capacité à les compenser. Ce diagnostic couvre un spectre plus large, comprenant d’autres enjeux environnementaux comme la biodiversité, et du nombre d’emplois créées au nombre de personnes nourries. « En tant qu’éleveur, cela m’a permis de prendre conscience que mon exploitation nourrissait 4 300 personnes par exemple, » partage Guillaume Gauthier qui conclut : « C’est une source incroyable de fierté ! »
  • Bovi’Biodiv : Lancé en 2024 à l’initiative du Cniel et Interbev, ce programme vise à produire des ressources et des recommandations pour appuyer la montée en compétences des éleveurs et de leurs conseillers sur la biodiversité. Il est piloté par l’Institut de l’élevage en collaboration avec des experts de la biodiversité en agriculture, pour diagnostiquer et améliorer les pratiques.

Avec ces solutions, les éleveurs disposent de moyens concrets pour quantifier les bénéfices environnementaux, démontrer leur impact positif et améliorer leurs pratiques. « De manière générale, les différents outils nous permettent de faire un état des lieux à un instant T pour nous donner des clés d’amélioration, mais toujours avec un souci de la performance économique, et en prenant en compte les spécificités de chaque territoire, résume Stéphane Joandel. L’objectif, c’est de monter en compétences, tout en valorisant l’utilité des éleveurs pour l’environnement. Il y a déjà des choses qui sont très bien et il faut en avoir conscience !

Dans certaines filières, comme les AOP de Franche-Comté, des cahiers des charges contribuent également activement à la protection de la biodiversité locale. Carla Beauvais, chargée d’études en environnement de l’Urfac (Union régionale des fromages d’appellation comtois), explique : « Nous imposons une limitation des apports d’intrants et exigeons une alimentation à base d’herbe pâturée ou de foin, par exemple. Nous limitons aussi la productivité par hectare ce qui permet d’éviter l’intensification ». Dans sa région, les différents projets et diagnostics menés sont l’occasion de réunir les acteurs du monde agricole et de la protection de l’environnement : « Ce sont des zones d’échange extrêmement importantes pour faire circuler l’information, c’est la meilleure façon de dissiper les craintes qui peuvent exister. »

[1] Biotex, un outil pour comprendre la biodiversité des prairies (agriculture.gouv.fr)
Communiquer pour mieux agir
L’UFRAC développe d’autres initiatives, comme les tableaux-paysages, des aquarelles qui représentent et expliquent la faune et la flore d’un territoire donné. « Nous avons besoin d’une approche positive de la biodiversité, comme avec ces tableaux-paysages, raconte Carla Beauvais. Ils sont distribués aux producteurs de lait AOP et aux fromageries, qui peuvent ainsi communiquer positivement auprès des consommateurs. C’est aussi, encore une fois, l’occasion de réunir producteurs et acteur de la protection de l’environnement, et même plus ! Ces tableaux-paysages nous ont été demandés dans les mairies… un signe clair du lien qui existe entre élevage et territoires, agriculteurs et politiques locaux ! »

Guillaume Gauthier insiste lui aussi sur l’importance de la communication : « Il faut davantage sensibiliser le grand public et les élus, car ils ne mesurent pas toujours à quel point l’élevage préserve les territoires. Or, les collectivités peuvent nous aider : à maintenir des espaces ouverts, à communiquer, à valoriser nos produits durables et de qualité dans les cantines, et à attirer de nouveaux éleveurs… Il faut des ponts entre le monde politique et paysan, c’est indispensable ! »

Cet article s’appuie sur une conférence organisée par le Cniel « Biodiversité et territoires : le rôle clé de l’élevage bovin », à l’occasion du Salon des maires et des collectivités locales, à Paris, le 21 novembre 2024.

Date de publication : 03/12/2024

Date de modification : 03/12/2024