Reportage : au cœur de la ferme laitière biologique de Nicolas en Ille-et-Vilaine
Pâturage, alimentation, traitements thérapeutiques… L’élevage biologique répond aujourd’hui à des dispositions législatives et réglementaires européennes. Nicolas, éleveur laitier en Ille-et-Vilaine, a entamé sa conversion au bio en 2019. Il nous a ouvert les portes de sa ferme, dans le cadre du programme européen « Prenez en main la bio », pour lequel le Cniel s’associe à Interfel, l’interprofession des fruits et légumes frais. Reportage.
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C’est à environ 45 minutes en voiture de Rennes, direction Laval, que se situe la ferme de Nicolas, dans la commune bretillienne d’Argentré-du-Plessis – 4 500 habitants. Un grand soleil adoucit la fraîcheur matinale de ce lundi de mi-octobre, lorsque Nicolas nous accueille dans la cour de sa ferme. Entre les belles pierres et les rosiers en fleurs, il nous offre du café… et du lait, bien entendu.
Ce jeune éleveur de 37 ans s’occupe seul de sa ferme: 52 hectares au total, 48 de prairies cultivées et permanentes et 4 de maïs qui lui permettent de nourrir un troupeau de 50 vaches laitières – des Prim’holstein, qu’il croise depuis six ans avec des Rouges Norvégiennes et des Brunes des Alpes pour améliorer la santé de ses animaux et les taux protéiques de son lait.
En 2009, il a repris l’élevage lors du départ à la retraite de ses parents, qui eux-mêmes avaient succédé à leurs parents : une entreprise familiale qui dure depuis trois générations donc, mais qui évolue aussi, puisqu’après dix ans d’exercice, Nicolas a fait le choix de convertir son activité à l’agriculture biologique.
La conversion au bio de Nicolas : une envie concrétisée par des conditions techniques et économiques favorables
Cette conversion, Nicolas l’envisageait déjà depuis plusieurs années et c’est en accédant à du foncier supplémentaire qu’il a pu la mettre en pratique. « J’aimais emmener mes vaches au champ, explique-t-il, et j’avais envie de travailler avec l’herbe plutôt que de les faire manger à l’auge, dans l’étable. Mais la route qui traverse ma propriété limitait la surface accessible. J’ai d’abord dressé un chien pour m’aider à faire traverser le troupeau, mais cette solution restait dangereuse pour les animaux et compliquée en cas de fortes chaleurs ou d’orages, quand il fallait ramener rapidement tout le troupeau à l’étable ». La mise en service d’un boviduc en 2019, ainsi que l’acquisition de surfaces herbagères supplémentaires, suite au départ à la retraite d’un voisin, lui ont permis d’augmenter l’accès des vaches aux prairies et, ainsi, de renforcer l’autonomie alimentaire de sa ferme.
Depuis 2019, Nicolas applique donc les règles européennes de l’élevage biologique : des vaches élevées en pâturage, une alimentation 100 % biologique et sans OGM, provenant majoritairement de sa ferme, pas de pesticides ni d’engrais de synthèse et un recours aux thérapies naturelles – médecine douce, homéopathie, phytothérapie, etc. – plutôt qu’aux traitements antibiotiques ou antiparasitaires, limités à trois par an par vache. Un organisme certificateur contrôle annuellement le bon respect de ces pratiques par l’éleveur.
Plus de 300 jours de pâturage par an
Les présentations faites et la dernière gorgée de café au lait avalée en vitesse, la visite peut commencer. Nicolas nous emmène d’abord faire le tour de l’étable, un grand bâtiment en pierre situé à proximité. Ce matin-là, les vaches n’y sont pas. Et pour cause : désormais, elles pâturent plus de 300 jours par an et se trouvent donc au champ. C’est là le changement le plus important observé par l’éleveur depuis sa conversion au biologique, avec des conséquences directes sur l’alimentation de son troupeau. L’herbe pâturée constitue à présent 100 % de la ration alimentaire des vaches entre mi-mars et mi-juillet, et 50 % de leur ration annuelle.
Durant les étés très secs et l’hiver, Nicolas les nourrit à l’auge avec des stocks de foin, d’herbe ensilée et de fourrage enrubanné, qu’il effectue au printemps. « Même si j’ai considérablement réduit les proportions, j’équilibre toujours les rations avec du maïs, car cette céréale constitue un excellent apport énergétique », complète l’éleveur, qui consacre une part de ses terres à la culture du maïs, sans pesticides ni engrais de synthèse conformément au cahier des charges de l’agriculture biologique. Et en effet, partout dans l’étable, des bottes et des sacs de maïs ensilage annoncent l’hiver. En y plongeant la main, on peut prendre une poignée de cette matière humide faite d’épis broyés, et sentir la forte odeur de fermentation qui s’en dégage.
« Lorsque la production de lait chute, c’est souvent qu’il manque quelque chose dans l’alimentation des vaches », indique Nicolas, qui porte une attention particulière à la composition des rations. Outre l’herbe et le maïs, qui proviennent de ses terres, il fabrique également des concentrés à partir de céréales sans OGM – épeautre, féverole, pois, avoine – achetées à un voisin éleveur de poules pondeuses bio, avec lequel il collabore fréquemment. « C’est utile de pouvoir s’aider entre éleveurs », glisse Nicolas, heureux de cette bonne entente avec son voisinage.
Apport nutritif et régularité du pâturage : deux mots d’ordre
Nicolas nous conduit dans les champs alentours, qu’il cultive avec un soin d’autant plus grand que ceux-ci constituent l’alimentation principale de ses vaches. « L’herbe pâturée doit être d’une grande qualité et équilibrée nutritivement », souligne-t-il en détaillant la composition de sa prairie : une herbe de culture pérenne pouvant durer jusqu’à quinze ans, du colza pour accélérer le transit, et des plantes médicinales, préventives et curatives. « J’aime m’appuyer sur les capacités d’automédication des vaches et leur fournir, à même le champ, de quoi se soigner elles-mêmes », explique l’éleveur. « Mais le vétérinaire reste bien sûr un partenaire incontournable ».
Soucieux d’entretenir la biodiversité de son terrain, Nicolas a aussi planté des haies et différentes variétés d’arbres sur ses parcelles : merisiers, hêtres, chênes, arbres fruitiers… Cette végétation fournira de l’ombre à son troupeau pendant les périodes de canicule et lui permettra de laisser ses animaux dehors plus longtemps.
Dans le champ, le rythme de pâturage est minutieusement orchestré par un système de barrières connectées, segmentant le terrain en paddocks d’un demi-hectare. « C’est la surface dont mes vaches ont besoin pour pâturer une journée », explique Nicolas. « Je programme l’ouverture des barrières à certaines heures et les vaches se déplacent d’elles-mêmes, lorsqu’elles n’ont plus à manger.Un système très pâturant, ça demande de la régularité ! ». Après chaque traite, l’éleveur conduit son troupeau sur un nouveau carré d’herbe. « Ça les motive », sourit-il.
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Prenez en main la bio : les produits laitiers bio
Pas d’engrais de synthèse et peu d’essence : une ferme résiliente
Depuis qu’il fait primer le pâturage dans ses pratiques d’élevage, Nicolas en constate les effets vertueux, notamment sur le travail de la terre : « Mes vaches mangent l’herbe, et leurs bouses sont un très bon engrais naturel pour le sol. Résultat : j’utilise très peu mon tracteur. Il m’arrive de le laisser au garage des semaines entières ! ». Et en effet, les chiffres sont parlants : l’éleveur est passé de 700 heures de tracteur par an à 350 en 2021. Pas d’engrais de synthèse et peu d’essence : deux indicateurs clés de la résilience de cette ferme en cette période de crise environnementale, énergétique et économique.
La visite touche à sa fin. Après un passage par le boviduc et la salle de traite, construite par les grands-parents de Nicolas en 1968, il est temps de libérer l’éleveur. Nicolas a en effet un planning chargé : le représentant de la coopérative Agrial, qui passe tous les trois jours collecter son lait pour la laiterie de Vitré, à 10 kilomètres de sa ferme, doit arriver sous peu. En 2021, Nicolas lui a vendu 370 000 litres de lait. Il trait ses vaches matin et soir, 300 jours dans l’année. Cela lui laisse peu de repos mais le plaisir du métier est plus que jamais là pour cet éleveur. C’est à regret que nous reprenons la route, et quittons sa ferme.
La campagne Prenez en main la bio
Le Cniel et Interfel s’associent pour promouvoir les produits laitiers bio et les fruits et légumes frais bio dans le cadre du programme « Prenez en main la bio », co-financé par l’Union européenne.
Cette campagne de communication vise à :
– sensibiliser, former et informer les professionnels aux spécificités et valeurs de l’agriculture biologique européenne.
– accompagner le développement de l’offre et de la consommation de produits biologiques européens en restauration collective pour atteindre les objectifs de la loi Egalim.